El Hadji Ibrahima est un software ingenieur, informaticien et fondateur du podcast wolof tech qui parle des nouvelles technologies dans la langue sénégalaise Wolof.
Christian Elongué: Bonjour Monsieur El-Hadji Ibrahima, c’est un plaisir de vous avoir avec nous aujourd’hui sur ce plateau. Je suis Christian Elongue de Kabod de Group et je suis ravi de vous accueillir dans le cadre du lancement de cette première édition de conversations avec les acteurs de l’industrie des langues en Afrique.
ALATT, qui signifie African Language Technologies and Tools en anglais, est un podcast qui vient d’être lancé dans le but de promouvoir les innovateurs qui utilisent la technologie pour faciliter l’accès et l’utilisation des langues africaines. L’objectif de ALATT est de permettre au public, ainsi qu’aux investisseurs et aux décideurs politiques, de découvrir ces acteurs qui, malgré les limitations actuelles liées à l’utilisation des langues africaines, ont réussi à développer des technologies ou des outils permettant de démocratiser l’accès à nos langues africaines.
Pour lancer cette première édition, nous avons avec nous Mr. El Hadji Ibrahima Diago, qui est à l’origine d’un podcast très connu au Sénégal, connu sous le nom de Wolof Tech, où il parle d’informatique et de nouvelles technologies, mais avec une approche en wolof afin de toucher un public plus large, car le wolof est la langue majoritaire au Sénégal, le pays de la Teranga.
Dans chaque épisode de Wolof Tech, Mr. El hadji Ibrahima aborde un thème avec des invités pour en extraire l’essentiel ou ce qu’il faut comprendre sur le sujet. Plusieurs épisodes ont déjà été réalisés, notamment sur la magie de l’ingénierie sonore, les secrets de l’animation 3D, la création vidéo et le choix de la filière technologique appropriée à l’université. Comme vous pouvez le constater, il y en a pour tous les goûts et toutes les aspirations dans ce podcast, et aujourd’hui nous allons échanger davantage avec Mr. El Hadji pour comprendre dans quelle mesure son initiative contribue à la promotion de la langue wolof, quelle a été la réception de son initiative au Sénégal et au-delà, et quelles sont ses perspectives d’avenir.
Christian Elongué: Veuillez vous présenter pour nos auditeurs s’il vous plaît.
Je suis El Hadji Ibrahima Diago. Je suis ingénieur informaticien de formation et je suis également l’initiateur du podcast Wolof Tech. Actuellement, je travaille à l’UNICEF en tant qu’ informaticien. J’ai créé le podcast Wolof Tech il y a trois ans, au moment du Covid-19. J’ai reçu de nombreuses questions sur la technologie, comment créer une application, comment comprendre un framework, etc. J’ai réalisé qu’il y avait beaucoup de questions, même de la part des personnes qui ne sont pas informaticiens.
J’ai donc décidé de faire quelque chose pour permettre au grand public de comprendre ce qu’est l’informatique et les bases de l’informatique car j’ai réalisé que les gens connaissaient les outils informatiques, mais pas les bases.
J’ai donc décidé de créer un podcast, car j’ai beaucoup écouté de podcasts et je trouve que c’est un bon moyen d’apprendre et de partager des connaissances. Et comme vous le savez, en Afrique, la tradition orale est très importante, donc le podcast est un excellent moyen de transmettre des connaissances.
Christian Elongué: Quels sont les retours que vous avez reçus de votre audience et du public sénégalais trois ans plus tard ?
J’ai reçu de nombreux retours positifs, car les auditeurs ont pu comprendre des choses qu’ils pensaient compliquées. Par exemple, lorsque nous parlons d’ordinateurs, nous sommes tellement habitués à les utiliser que nous pensons que c’est quelque chose de très simple. Mais nous ne nous posons même pas la question de savoir comment ils sont construits à l’intérieur.
Dans notre podcast, nous expliquons ces choses-là, nous essayons d’expliquer ce qu’est une puce, comment fonctionne le réseau à l’intérieur de la puce, etc. Nous essayons de démystifier ces concepts et de montrer aux gens comment cela fonctionne.
Notre défi est de rendre nos explications simples pour que tout le monde puisse comprendre. Les gens ont bien compris le message et ont apprécié nos épisodes. De plus, les intervenants ont également bien réagi.
Parfois, il est difficile pour eux de parler de nouvelles technologies dans leur langue maternelle, surtout s’ils ont étudié en français.
Mais c’est un défi que nous relevons à chaque épisode. Nous leur demandons de parler de ces nouvelles technologies en wolof, leur langue maternelle. Si nous ne pouvons pas transmettre ces connaissances dans leur langue maternelle, il y a un problème.
Je dis souvent que la langue est simplement un outil pour transmettre des connaissances, et nous pouvons utiliser n’importe quelle langue pour cela.
Nous devons donc faire l’effort de traduire pour les personnes qui n’ont pas eu la chance d’aller à l’école et d’apprendre. Nous devons les inclure dans ce processus de changement, de mentalité et de compréhension des nouvelles technologies. Ils ont bien reçu le message et cela a été un apprentissage pour les intervenants. J’ai reçu de nombreux retours positifs et nous pouvons maintenant envisager de nouveaux objectifs.
Christian Elongué: Avez-vous réussi à fidéliser un public autour du podcast et à surmonter la nouveauté de ce format dans l’espace francophone ? Comment avez-vous réussi à développer une audience spécialisée intéressée par la langue wolof ?
C’est vrai que le podcast n’est pas très populaire en Afrique francophone, mais nous travaillons chaque jour pour le populariser. Nous essayons de sensibiliser les gens aux avantages du podcast, notamment le fait qu’on puisse l’écouter tout en faisant autre chose.
Nous communiquons beaucoup pour faire comprendre aux gens les avantages de ce format de communication. Les chiffres ne sont pas encore très élevés par rapport aux podcasts en Europe, mais nous constatons une augmentation régulière du nombre d’auditeurs. De nouvelles personnes rejoignent chaque jour et comprennent l’importance du podcast.
Au début, il y avait beaucoup de questions sur la façon d’écouter un podcast, quelles applications utiliser, etc. Pour faciliter l’accès, nous avons créé notre propre site web où les épisodes sont disponibles en téléchargement. Nous continuons à communiquer pour sensibiliser les gens à ce format de communication très intéressant.
Christian Elongué: quelle est la moyenne d’auditeurs pour le podcast Wolof Tech ?
Pour ce qui est de l’audience, les chiffres ne sont pas très élevés par rapport aux podcasts en Europe. Dans les cinq premiers jours, nous avons environ 800 écoutes par épisode, et après deux ou trois semaines, nous atteignons environ 1000 à 1500 écoutes. Donc, pour l’instant, le podcast n’est pas encore très répandu, mais nous continuons à travailler dessus.
Christian Elongué: Quelles sont vos perspectives à long terme pour le podcast Wolof Tech et aussi vos objectifs en termes d’impact et de contribution de la technologie à la préservation de la langue ?
Je suis sénégalais, né et grandi au Sénégal. Il y a trois ans, je ne comprenais même pas le wolof. Je ne savais pas que notre langue maternelle était si riche. Au Sénégal, nous utilisons souvent un mélange de wolof, de français, d’arabe, d’anglais, etc.
Par exemple, nous disons “As-Salaam-Alaikum”, qui est en arabe. Donc, nous avons une langue très riche. Et je me suis demandé si nous devions laisser cette richesse se perdre. Je travaille donc à faire connaître la richesse de la langue wolof à la communauté.
Nous pouvons parler de toutes ces nouvelles technologies en wolof. Il suffit de chercher. Par exemple, nous utilisons souvent le mot “téléphone” en wolof, mais il y a aussi le mot “jollosu”. Nous avons une langue très riche. Mon objectif est de continuer à promouvoir la langue wolof et de créer des livres sur les nouvelles technologies en wolof.
Nous ne nous limiterons pas au wolof, car il y a d’autres langues au Sénégal et dans la sous région. Nous voulons reproduire ce modèle pour permettre aux autres communautés de bénéficier de ces connaissances.
Christian Elongué: Nous vous souhaitons beaucoup de courage dans cette initiative importante. Nous espérons que de nombreuses autres initiatives similaires contribueront à préserver les langues africaines grâce à la technologie.