L’Afrique est un cas particulièrement intéressant quant à ses dynamiques sociolinguistiques et linguistiques, car elle est le berceau d’un tiers des langues parlées sur notre planète, soit 2,158 langues indigènes. Selon Emmanuel Gabriel, fondateur d’OpenBinacle:« plus de 52 langues autochtones d’Afrique ont disparu et n’ont pas de locuteurs natifs ».
Parmi les raisons de la disparition d’une langue, citons la migration des locuteurs de cette langue vers d’autres horizons, la limitation de son vocabulaire, l’absence de manuscrits ou encore les changements constants dans les sociétés et aussi la faible transmission aux générations futures.
La grande majorité des langues officielles parlées en Afrique a été importée et imposée durant l’époque coloniale. Ainsi, on parle aujourd’hui de l’Afrique francophone, anglophone, lusophone et arabophone. Nous pouvons aussi exiger l’apprentissage de nos langues locales afin de les promouvoir. Découvrez trois moyens de promouvoir les langues autochtones africaines.
1) Les décideurs africains devraient adopter des langues de leur pays comme langues co-officielles
La promotion de nos langues ne peut se faire que par nous, interlocuteurs de celles-ci. Les dirigeants devraient cesser de trouver des excuses quant au fait que les langues africaines sont inaptes à porter la science, la technologie, la politique, l’économie et prendre des mesures concrètes à cet effet.
C’est-à-dire financer des recherches approfondies pour combler le fossé qui puisse exister dans les langues susceptibles d’avoir le statut de deuxième langue officielle afin que celles-ci puissent porter la science, la technologie, la politique…
Il est clair que la tâche est loin d’être facile si l’on considère l’encodage des caractères des langues, sa normalisation, l’enseignement de leurs alphabets aux citoyens. Elle apparaît toutefois nécessaire, car si l’on veut changer le cours des choses pour les générations futures, c’est maintenant que les bases doivent être posées.
Prenons l’exemple du Swahili, langue parlée en Ouganda, au Kenya, en Tanzanie, à l’île de Zanzibar, aux Comores, au Rwanda, au Burundi, au Congo-Kinshasa, en Zambie, en Somalie, en Afrique du Sud et au Mozambique. Cette langue, considérée auparavant comme une langue “obscure”, compte aujourd’hui plus de 200 millions de locuteurs et est l’une des 10 langues les plus parlées au monde. Le swahili a été adopté comme langue nationale au Kenya, au Congo-Kinshasa, et comme langue officielle en Tanzanie et récemment en Ouganda. Tout ceci pour montrer que parvenir à un tel résultat se fait pas à pas, continuellement, tout en y investissant les efforts et les fonds..
2) Introduction des langues autochtones dans le système éducatif par les décideurs africains
Rappelons que le système colonial avait mis en place un système éducatif conforme à sa politique, où la langue d’enseignement et de communication était une langue européenne.
Dans tous les pays africains, il semble que tous les moyens du système éducatif semblent être mis au service du prestige d’une langue occidentale, enseignée comme langue première.
Ainsi, nous avons, en tant qu’élèves africains, précisément en Côte d’Ivoire, à apprendre l’anglais à partir de la classe de sixième(6e), parfois depuis le primaire pour certaines écoles privées, puis l’espagnol ou l’Allemand à partir de la classe de quatrième(4e).
L’enfant est ainsi arraché linguistiquement et culturellement à son cadre de vie. Pourtant, tous les enfants africains ont le droit inaliénable d’aller à l’école et d’apprendre dans leurs langues maternelles.
Involontairement, les systèmes éducatifs ont contribué à la dévalorisation des cultures et langues africaines, notamment dans les pays francophones où les décideurs ont non seulement manqué de faire introduire une langue autochtone dans leur système éducatif, mais aussi donné assez de valeur aux langues européennes dans nos systèmes.
Pour y remédier, les dirigeants des différents pays africains doivent introduire l’apprentissage d’au moins une langue locale dans le système éducatif de leur pays respectif afin que les apprenants puissent apprendre cette langue depuis le primaire. Le Ghana peut être cité en exemple, où on enseigne à le Twi ainsi que l’Ewe à l’école primaire.
3) Assurer la présence des langues africaines sur la toile
La promotion des langues africaines impose d’assurer la présence des langues africaines sur la toile. C’est-à-dire introduire celles-ci dans les technologies de l’information et des communications (TIC).
Ceci étant, les décideurs politiques doivent assurer la présence adéquate de l’outil informatique comme matériel didactique à la disposition des élèves avant de veiller à l’introduction de ces langues sur les TIC.
Jusque-là, les actions menées à cet effet par le passé ont porté leur fruit car le logiciel de traduction Google Translate a dernièrement ajouté dix nouvelles langues africaines dans son système en plus de celles incluses auparavant telles que l’Amharique, le Haoussa, le Somali, le Swahili, le Yoruba ou encore le Kinyarwanda. Bonne nouvelle !
Il y a aussi l’existence d’une plateforme numérique dénommée OBTranslate qui vise à traduire plus de 2000 langues africaines pour permettre aux habitants des zones rurales d’accéder facilement aux marchés mondiaux. Nous pouvons également citer Boite A Innovations, une société canadienne représentée dans 4 pays (Canada, Bénin, Sénégal et Gabon), spécialisée dans l’alphabétisation des langues africaines, ensemble d’outils numérique d’apprentissage dans les langues africaines, plus de 12 langues précisément.
Les États africains doivent apporter leur pierre à l’édifice de la promotion des langues africaines en soutenant financièrement toutes ces initiatives visant à promouvoir et à introduire les langues africaines sur la toile.
Conclusion
En somme, l’adoption des langues locales comme langue officielles, l’introduction de celles-ci dans le système éducatif et sur les TIC s’avèrent être des moyens efficaces pour promouvoir les langues indigènes africaines. Il apparaît donc nécessaire pour les décideurs de réviser la méthode d’enseignement monolingue dans les pays africains. Ceci contribuera au développement du continent africain. Bien qu’un nombre de langues africaines soit plus ou moins présent sur la toile, plus d’efforts restent à fournir pour améliorer la qualité des services de langues, la traduction par exemple, vers ces langues. Cependant, la question du choix d’une langue particulière parmi tant d’autres que compte chaque pays afin d’assurer l’intégrité nationale se pose. Pour l’heure, il revient aux parents de jouer leur partition qui est de déjà enseigner à leurs enfants leur langue maternelle depuis la maison.
Avez-vous aimé cet article? Connaissez-vous d’autres moyens de promouvoir nos langues locales? Donnez-nous vos impressions et partagez les autres moyens dans la section commentaire. Pour ce qui est de l’enseignement des langues maternelles aux enfants, découvrez cinq astuces pratiques pour y parvenir dans cet article.
I am a professional Translator working between English, French and Tagbana. I currently work at Kabod Group International as an Assistant Language Officer. I also write insightful and interesting blog articles related to my field. I am a member of the Network of African Languages Translators and Teachers (ALATT).