De 2010 à 2015, j’étais un étudiant à l’Université de Dschang, une ville qui m’a « chaleureusement » accueilli après l’obtention de mon BAC A4 Espagnol au Lycée Bilingue de Bonabéri. J’avais choisi l’Université de Dschang au lieu de celle de Douala tout simplement parce que Dschang était réputée pour son excellence démontrée à travers la qualité de ses diplomés.
Mon pari sur l’Université de Dschang fut gagné car on y prenait en effet les études très au sérieux ; du moins par comparaison aux autres universités publiques comme celles de Yaoundé 1 (Ngoa Ekellé) & 2 (Soa), Ngaoundéré, Bamenda etc. A Dschang, les études étaient tellement sérieuses que certains la qualifiaient de « Lycée Universitaire » au regard de l’intensité du travail et de l’engagement exigé des étudiants. Si le cycle universitaire est généralement reconnu comme celui où on a plus de temps et de liberté, cette règle ne s’appliquait pas à Dschang.
Je me souviens des cours à l’Amphithéâtre A352 qui étaient parfois planifiés de bonne heure le matin, nécessitant ainsi que les étudiants soient présents à 5h ou 6h pour sécuriser une place assise. Je me souviens des emplois du temps surchargés avec les cours et séances de Travaux Dirigés. La majorité du personnel enseignant était dévoué comparé à ceux d’autres universités publiques. Tout cela faisait de l’Université de Dschang l’une des meilleures à l’échelle nationale et même en Afrique Centrale.
Ça, c’était le passé !
Du moins les choses ont changé d’après ce que j’ai pu constater lors de mon dernier séjour à Dschang du 19 au 21 décembre 2019. J’ai retrouvé une université dans un état avancé de délabrement.
La majorité des bâtiments et infrastructures universitaires sont en pleine détérioration, sous le regard passif et la désinvolture des étudiants et du personnel enseignant. (Ne me demandez pas les raisons !)
Dès l’entrée principale, on constate que la route menant vers l’université, jadis goudronnée, est désormais en latérite. Un nuage de poussière rougeâtre se soulève donc automatiquement chaque fois qu’une moto-taxi ou automobile passe ; ce qui pourrait entrainer de nombreuses maladies pour les piétons ou commerçants exerçant autour de cette voie routière.
À l’entrée même de l’Université de Dschang, on constate que le majeur changement réside dans les plaques d’identification des différentes entreprises de bureautique ou restauration des étudiants. Les affiches ont été uniformisées et il est désormais plus facile d’identifier une entreprise de l’autre. À part ça, rien n’a bougé.
Du regard, on constate que la majorité des entreprises n’ont vraiment pas évolué : les mêmes imprimantes et ordinateurs d’antan sont toujours là… Si les capitaux de ces entreprises n’ont pas évolué, c’est le reflet de la précarité économique qui règne dans la ville et même au Cameroun en général.
Une fois le portail traversé, on constate que la majorité des salles de cours n’ont point été rénové, du moins celles de la Faculté de Lettres et Sciences Humaines (FLSH). Pareillement pour les bureaux des enseignants, qui sont dans un état de délabrement proche de l’abandon : surtout ceux qui sont vers le département Études Africaines.
Vu de l’extérieur, on pourrait naturellement se demander si des docteurs et professeurs de rang magistraux occupent véritablement ces espaces aux murs foisonnant d’affiches, à la peinture terne et larmoyante, aux fenêtres avec des vitres brisées ou absentes, et dont les couloirs sont aussi obscurs que les chemins qui mènent vers l’ignorance.
Lorsqu’on arrive à la FLSH, on peine à croire qu’on se retrouve dans une université publique prônant l’excellence.
Si on y parachutait des inconnus ignorant tout de leur emplacement, ils décriraient l’université de Dschang comme un musée ou une école à l’abandon qui n’est plus fréquentée depuis belle lurette. Le niveau d’insalubrité visible à travers les dépôts de poubelle répandu ici et là, les vestiges de babillards ainsi que des aires de sports peu équipées ou entretenues, laissent à désirer.
Pourquoi ?
En voyant ce degré élevé d’insalubrité et de délabrement, on ne peut que se demander comment les étudiants et le personnel enseignant évoluent dans un pareil environnement ? Comment maintenir le gout pour l’apprentissage lorsque l’environnement ne le favorise point ? Comment motiver et inciter les jeunes étudiants à aspirer à l’excellence lorsque l’environnement ne le facilite point ?
Je ne dis pas que rien n’a été fait depuis 2015 – année à laquelle j’ai quitté Dschang. Mais le niveau de progrès qui a été réalisé jusque-là est largement inférieur à mes attentes. J’étais donc plutôt déçu en me rendant compte que les choses rentraient plutôt en arrière.
La FLSH était plus jolie et vivante dans les années 2010 qu’elle ne l’est maintenant. En essayant de comprendre cette stagnation, on m’expliqua que l’Université n’avait point renouvelé le contrat de l’entreprise de nettoyage. Info ou intox ?
Cependant, je n’arrive toujours pas à comprendre la désinvolture tant du personnel enseignant que du public estudiantin, dans lequel on retrouve de nombreux « clubs » ou associations menant des activités culturelles, académiques ou sociales.
Personne ne changera les choses à part nous-mêmes !
En tant qu’acteurs de la société civile, ces clubs et associations ont pour mandat non seulement de contrôler l’action publique, mais aussi de contribuer à un changement positif à travers d’actions concrètes.
Par exemple, l’Association des Étudiants de la FLSH, le Club Bilingue ou tout autre club, pourrait se lancer dans la mobilisation des ressources financières pour la restauration ou rénovation des babillards, espace-clé pour l’affichage des résultats d’examens. D’autres associations et club exerçant sur le campus pourraient également organiser des « Journées d’actions citoyennes » où les étudiants pourraient nettoyer et désherber certains endroits stratégiques du campus.
Évidemment, ces actions ne pourraient qu’être temporaires et complémentaires, en attendant que les autorités universitaires prennent véritablement les choses en main. Je suis de ceux qui pense qu’on ne devrait et saurait tout attendre de l’Etat, du Gouvernement ou des autorités publiques. En tant que citoyens ou étudiants, nous avons tous notre rôle à jouer dans la construction de la nation camerounaise. Chacun a sa pierre à apporter à l’édifice et aucun apport n’est négligeable : tout est significatif. Personne ne changera les choses à part nous-mêmes !
J’invite donc les clubs et associations culturelles ou académiques à jouer pleinement leur rôle. Si l’environnement éducatif, c’est-à-dire la forme, laisse déjà peu à désirer, on peut déjà s’imaginer la qualité du fond, c’est-à-dire les savoirs et connaissances partagées dans ces espaces d’apprentissage.
Si jamais ces clubs et associations rencontrent des difficultés, ce serait important de l’indiquer afin qu’ensemble, nous réfléchissions sur les actions concrètes et réalisables pouvant permettre à l’Université de Dschang de (re)devenir le centre d’excellence, la belle Cité des Savoirs dont on était si fiers auparavant.