Du 16 au 18 mai 2017, l’université Senghor et le campus numérique francophone ont organisé le tout premier atelier participatif ou BarCamp sur les humanités numériques, en Egypte mais aussi en Afrique francophone. Une expérience riche sur la formation, l’éducation et le numérique.

Vous avez dit humanités numériques ?

En février 2017, en réalisant ma veille informationnelle, je découvre une formation Transfer sur les « Humanités Numériques ». L’expression, nouvelle, me laissa dans un brouillard sémantique. Que pouvait bien signifier cette étrange alliance de mots, qui fait voisiner Virgile avec les bases de données ? C’est surement lié à la description des effets du numérique dans la vie des hommes, pensais-je, de prime abord. Le brouillard s’épaissit davantage lorsque je découvrais aussi que l’expression « BarCamp » m’était également inconnue. J’ai imaginé qu’il devait s’agir d’une rencontre informelle où, dans une ambiance décontractée, l’on devait échanger sur des sujets « sérieux ». Je m’imaginais un bar où, devant nos bouteilles de boisson ou nos tasses de café, il était possible de discuter  sur un sujet donné, comme dans un camp. Est-ce aussi ton cas ? Avant de poursuivre cette lecture, as-tu une idée de la signification réelle de « humanités numériques » ou de « BarCamp » ? Eh bien… ce brouillard qui (peut-être) te traverse est le même que je ressentis mais cela attisa davantage ma curiosité. Je décidais alors de consulter le GRAND MANITOU GOOGLE, qui éclaira suffisamment ma lanterne et me permis de m’inscrire à cet atelier qui fut une expérience riche et singulière.

Qu’est-ce qu’un BarCamp ?

Un BarCamp est un atelier participatif, c’est en effet une rencontre ouverte qui prend la forme d’ateliers ou d’événements participatifs où le contenu est fourni par des participants qui doivent tous, à un titre ou à un autre, apporter leur piment à la préparation de la sauce. Apparu en 2005  dans l’espace anglosaxon, il faut attendre les années 2010 pour que l’espace francophone suive (comme toujours !). Assister à un BarCamp ne nécessite pas de sélection (sauf contrainte de place). Ici, pas de spectateur, tout le monde est acteur, peu importe les compétences techniques de chacun. Jacqueline Bergeron, animatrice principale de l’atelier, l’a clairement signifié dès l’ouverture du bal : « je ne suis pas là pour enseigner mais pour partager ».

Les participants, enseignants des universités égyptiennes, chercheurs et jeunes diplômés de Senghor, contribuèrent activement à partir de trois axes interactifs et non cloisonnés : les humanités numériques en rapport avec les démarches d’apprentissage (I), les territoires apprenants (II) et les identités d’apprentissages (III). La réflexion était orientée sur la relation entre le numérique, l’éducation et la formation.

Qu’avons-nous fait durant ce rendez vous « atypique » ?

Le premier jour, après le rituel des présentations, nous avons réalisé, en groupe, des brainstorming et enrichissement des connaissances par le partage des expériences. Cela a fait émergé six questions principales :

1) Comment le numérique transforme-t-il un espace en territoire apprenant ?

2) Quels sont les rapports et apports entre les humanités numériques, l’économie collaborative et la démocratie participative ?

3) Qui sont les acteurs de la scène éducative ? Redéfinir les identités et les rôles.

4) Une nouvelle fonction pour les instances académiques à l’ère du numérique ?

5) Comment développer les compétences des acteurs dans le monde de l’éducation à l’ère du numérique en contexte africain : regards croisés sur les pays africains.

6) Comment concevoir l’évaluation des apprenants à l’ère du numérique à des fins de recrutement à l’université ?

Le 2ème  jour, trois posters numériques furent réalisés à partir de ces questions. Ils serviront d’indicateurs pour tout axe de recherche qui pourrait être mené sur chacune de ces questions. Nous avons terminé notre BarCamp le 3ème jour avec la présentation argumentée de posters numérique, avec des pistes d’actions : identifier les étapes à mettre en place pour créer une communauté d’acteurs sur les Humanités Numériques et définir les perspectives de publication d’un ouvrage collectif.

Si, il y a encore quelques années, il pouvait paraître étrange d’associer le numérique aux humanités, le monde scientifique voit aujourd’hui collaborer informaticiens et sociologues, ingénieurs et spécialistes de littérature. Ces alliances inédites renouvellent profondément les formes, les rythmes et la circulation des sciences humaines. Les humanités numériques ou “digital humanities”, recouvrent un ensemble de pratiques de recherche qui sont à l’intersection des technologies numériques et des différentes disciplines des sciences humaines.

Ce que j’ai appris…

Au cours de cet atelier, grâce à la titulaire de la Chaire UNESCO « Numérique et apprentissage » et grâce à de nombreux échanges avec les autres participants, j’ai appris qu’il fallait sortir de “l’illusion pédagogique qui consiste à isoler le rapport aux connaissances des conditions et contextes sociaux dans lesquels ces dernières se construisent”. Les dispositifs d’évaluation actuellement en cours dans nos écoles devraient, sur certains aspects, être repensés car ils ne permettent pas de saisir ou de mesurer de manière efficace les compétences réelles des apprenants. On pense parfois qu’un enfant ou qu’individu n’est pas intelligent, sans tenir compte du sujet lui même, de la méthode employée et des conditions d’évaluation.

Les défaillances du système éducatif

D’après une étude menée en France, des élèves ayant réussi leur BAC en juin se retrouvaient en en situation d’échec trois à quatre mois plus tard. Pourquoi ? Tout simplement parce que le « vouloir apprendre » c’est à dire la motivation avait considérablement diminué. A propos de l’intelligence, Albert Einstein avait déclaré «tout le monde est un génie. Mais si vous jugez un poisson sur ses capacités à grimper à un arbre, il passera sa vie à croire qu’il est stupide.»

Nous avons tous un talent personnel, mais ce talent n’est pas absolu, il a ses propres limites : des étudiants en littérature ou des journalistes n’arriveront jamais écrire des papiers ou des articles totalement dépourvus d’erreurs …

Enfin, lors de ce BarCamp, nous avons également saisi les enjeux stratégiques, culturels, professionnels et sociaux du champ du numérique. Il a été question en particulier des territoires apprenants, où le développement de compétences individuelle et collective s’est vu facilité avec le numérique. On constate en effet que le numérique augmente le pouvoir d’agir des citoyens, qui par le biais de la démocratie participative, se trouvent associés à la gouvernance territoriale, à la gestion et au suivi de l’action du service public. Il est incontestable que le numérique fait aujourd’hui partie intégrante de notre vie et cela a une incidence sur les dynamiques identitaires sociales et culturelles. Ce BarCamp m’aura permis d’en explorer les tenants et aboutissants, mais surtout de sortir de mon brouillard pour entrer dans une quête épistémologique sur la question des humanités numériques en Afrique.
Aujourd’hui, grâce à toutes ces réflexions, j’envisage de mener une recherche sur le rôle du numérique dans le développement des compétences des acteurs du monde de l’éducation au Cameroun.