Vers la mobilité du futur?

En 2010 pour la première fois sur la terre, plus de la moitié des êtres humains habitaient en zone urbaine et on pense qu’on passera les 60% en 2030. Chaque jour des centaines de personnes migrent vers les zones urbaines, à la quête de meilleurs pâturages. Cette explosion démographique entraine de nombreux autres problèmes politiques, sociaux et économique, de l’aménagement urbain à la communication interculturelle, du chômage à la pollution atmosphérique. Pour une meilleure gestion de ces défis, le concept de ville intelligente (Smart City) a émergé et est en train d’être démocratisé dans le monde. Cependant, la mobilité efficace et rapide des biens et des personnes demeure toujours une préoccupation constante, notamment avec les embouteillages routiers et la congestion humaine, qui affectent la productivité et le bienêtre des citoyens.

La situation semblait sans issue, surtout pour les masses citoyennes, ne pouvant se permettre l’usage d’autres moyens de transports plus rapide et sécurisé comme le transport aérien. Mais avec l’avènement des voitures volantes et des robot-taxis, depuis les années 2017, le paysage des transports urbains est en mutation. Les constructeurs aéronautiques ont ingénieusement donné vie à la science-fiction et envisage conquérir l’espace de basse altitude, pour faciliter le transport rapide, sécurisé, confortable et abordable des biens et personnes.

Aujourd’hui, Airbus et Boeing sont à peu près au même stade d’avancement dans les tests de leurs taxis volants. Le géant américain Boeing s’exprimait sur l’avenir de ce secteur : « le vol autonome ouvre de nombreuses possibilités. Le trafic dans les zones urbaines denses va se transformer. On estime que 25% des trajets pour se rendre jusqu’à son lieu de travail, partout dans le monde sont supérieurs à 90 minutes, alors imaginez le gain de temps que pourrait offrir un taxi volant autonome[1]». Il semble tout à fait possible que des véhicules aériens autonomes soient en service dès 2020. Si tel est le cas, en 2024, aller de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle à un site olympique en taxi volant ne sera point une chimère, mais un objectif « réaliste » pour Aéroports de Paris (ADP), qui veut profiter des Jeux Olympiques pour tester un projet de mobilité du futur, avec Airbus et la RATP. Cependant, il reste du chemin à parcourir avant d’intégrer un véhicule volant dans le transport urbain. Avant qu’on en arrive là, il existe des enjeux contemporains sur l’usage des voitures volantes, que la seconde partie de notre article entend explorer, notamment les questions règlementaires, sécuritaires, économiques, environnementales et d’acceptabilité sociale.

L’enjeu règlementaire

La voiture volante, « les gens en rêvent sur le papier depuis des décennies et, maintenant, la technologie est là. La seule question, c’est comment nous allons nous y prendre », déclare Michael Thacker, vice-président du constructeur d’hélicoptères américain Bell.  Avant de survoler la tête des citadins avec ces nouvelles machines, un énorme travail de réglementation doit être mené à l’échelle mondiale. Airbus a pris le devant de ses concurrents (Boeing, Uber etc.), en menant un important travail de lobbying et d’évangélisation des esprits. Par exemple, la publication une grande enquête sur l’acceptabilité sociale de la mobilité aérienne urbaine, interrogeant 1540 personnes dans les villes de Los Angeles, Mexico ainsi qu’en Suisse et en Nouvelle Zélande.

Figure 1: Airbus a réalisé un sondage sur la perception de la mobilité aérienne auprès de 1540 personnes.

Dans le rapport d’enquête, les habitants des zones rurales sont peu enclins à utiliser ces nouveaux modes de transport alors que les jeunes urbains confrontés aux embouteillages les plébiscitent. Mais au-delà de l’acceptabilité sociale, les constructeurs devront faire modifier les règles du trafic aérien et de survol des zones habitées. Pour y parvenir, Airbus et Uber font des progrès. D’une part, Uber a établi un partenariat avec la NASA pour concevoir un système de gestion du trafic aérien urbain, puisqu’elle estime qu’elle pourrait exploiter plusieurs milliers de vols quotidiens d’ici 2023. Airbus de son côté a mené des expérimentations sur le campus de l’université de Singapour où le drone Skyways d’Airbus Helicopters a réussi un vol de livraison d’un colis chargé automatiquement par un bras robotisé. Les étudiants peuvent utiliser ce mode de livraison pour leurs commandes sur internet.

Figure 2: Le drone livreur de colis d’Airbus en action sur le campus de l’université de Singapour

Aux Etats Unis, certains Etats sont déjà favorables comme Los Angeles et Chicago. La Nouvelle Zélande  aussi, en autorisant la société américaine Kitty Hawk a réalisé des tests sur son territoire avec leur  « Flying Taxis Cora ». En Allemagne, la chancelière Angela Merkel a signé une lettre d’intention avec les représentants d’Audi (groupe Volkswagen) et d’Airbus pour tester des taxis aériens dans la ville d’Ingolstadt et ses environs. « Les taxis volants ne sont plus une vision, ils peuvent nous emmener vers une nouvelle dimension de la mobilité », a déclaré à ce propos, le ministre des Transports allemand, Andreas Scheuer.

Comme on peut s’en rendre compte, les questions de législation tournent essentiellement autour de l’acceptabilité et de la sécurité. La législation qui encadrera l’insertion de ces nouveaux engins volants dans l’environnement urbain et périurbain est un préalable indispensable pour que cette nouvelle industrie prometteuse décolle, et d’après la banque Morgan Stanley, elle devrait représenter un chiffre d’affaires annuel de 1,5 milliard de dollars en 2040. Et au regard des évolutions actuelles, on envisage leur usage pour le transport des personnes d’ici 2025, mais bien avant pour le transport des biens, comme des produits médicaux d’urgence.

Entre autonomie et sécurité.

La majorité sinon toutes les voitures volantes existantes sont autonomes[2], c’est-à-dire que la navigation repose essentiellement sur le pilotage automatique. Elle est intelligente, avec des caméras et un radar permettant de détecter et éviter des obstacles inattendus. La majorité des tests se font sans passagers. A l’exception de ceux réalisés par la firme chinoise Ehang qui a réalisé en Février 2018, une série de vols publics avec des passagers dans la ville de Canton, Guangzhou.

https://twitter.com/globaltimesnews/status/960790168776003584

Cette série de vols était non seulement avec des ingénieurs mais aussi des officiels du gouvernement chinois. En tout, une quarantaine de personnes ont déjà volé dans ce drone-taxi et les passagers cobayes chinois n’ont eu qu’à s’asseoir à bord sans s’occuper du pilotage puisque le Ehang 184 est entièrement autonome. Une fois le client  qui aura commandé son taxi via son smartphone pris en charge , c’est l’ordinateur de bord qui prend le contrôle et le transporte à bon port grâce à un pilote automatique. Toutes les conditions météo ont été testées jusqu’à faire voler le taxi drone propulsé par un quadrirotor 100 % électrique dans le brouillard, par temps de jour et de nuit et même par un vent de force 7. Un autre aspect sécuritaire est la présence d’un réseau 4G, qui permet d’effectuer un suivi en temps réel par un centre de supervision et en cas de défaillance technique il se pose immédiatement sur le vertiport le plus proche. Au-delà de la chine, les Émirats arabes unis espèrent que d’ici 2030 le quart de toutes les courses de taxi de leurs États s’effectueront grâce à des services de transport automatisés.

L’enjeu environnemental

Les voitures volantes, comme Lilium Jet sont entièrement électriques et n’émettent pas de CO2, bien qu’étant capable d’atteindre 4000 m d’altitude. Le Lilium Jet peut accueillir deux passagers et vole à une vitesse de croisière de 250-300 km/h. Mais ce véhicule peut également ranger ses ailes pour intégrer les itinéraires terrestres, comme n’importe quelle voiture, tout en respectant l’environnement. Son financement a d’ailleurs été réalisé par diverses institutions publiques et privées militant pour la diminution des changements climatiques.

L’enjeu économique

Il s’agit précisément d’une économie de temps et de ressources financières. Par exemple, avec le projet Lilium, on peut parcourir 300 kilomètres et rallier l’aéroport J.-F. Kennedy à Manhattan en six minutes pour un tarif de 70 dollars à 80 dollars (72 euros) par passager. Le tarif moyen avec Vahana de la firme A3 d’Airbus coutera environ 50 Euro. Avec de tels coûts, une entreprise est rentable. Et bien qu’il existe des services de taxi avec des hélicoptères comme Voom au Brazil, ils s’avèrent être un peu chers, un peu difficiles à piloter et trop bruyants pour les utiliser au quotidien dans les villes.

Conclusion

Il y a plus de 20 entreprises dans le monde qui travaillent en ce moment sur des projets de création ou d’amélioration de véhicules volants. Le cabinet Deloitte évalue le poids du marché à 17 milliards de dollars d’ici à 2040, rien qu’aux Etats-Unis. Dans les cinq prochaines années, on verra des vertiports apparaître dans quelques villes, et des petites icônes d’avion sur les applications de covoiturage. Ça pourrait commencer par une dizaine, mais un jour ou l’autre, on pourrait en avoir des centaines, survolant nos villes. Ça va fondamentalement transformer la manière dont nous nous déplaçons. Si au siècle dernier, c’était le trafic aérien qui connectait notre planète ; dans le prochain, il va reconnecter nos communautés locales, et j’espère qu’il nous reconnectera les uns avec les autres. Car bien qu’on puisse être fasciné par le progrès que les voitures volantes représentent, on doit également être vigilant des possibles dérives. De pareilles technologies doivent être appréciés en termes de valeur pratique plutôt que d’éloignement de nos possibles antérieurs.

Notes et références


[1] Valentin Cimino, ‘Boeing se dit prêt à lancer son taxi volant autonome pour un usage urbain’, Siècle Digital (blog), 6 March 2019, https://siecledigital.fr/2019/03/06/boeing-se-dit-pret-a-lancer-son-taxi-volant-autonome-pour-un-usage-urbain/.

[2] Normand, ‘Y a-t-il un pilote dans le taxi volant ?’, 17 May 2019, https://www.lemonde.fr/la-foire-du-drone/article/2019/05/17/y-a-t-il-un-pilote-dans-le-taxi-volant_5463533_5037916.html.