Serious Games ! Voici un mot désormais à la mode et présent dans la bouche de tous les praticiens du monde de l’éducation et de la formation ! Moi-même, je m’en servais souvent sans trop saisir les frontières sémantiques de la notion. Ce sera grâce à un MOOC que j’ai enfin pu en saisir les contours et les pourtours. Un serious Game est tout simplement un jeu dont la finalité est autre que le divertissement. C’est le fait d’ajouter une fonction utilitaire à un jeu, de joindre le pédagogique au ludique. En effet le jeu est un merveilleux moyen pour attirer et maintenir l’attention, susciter l’engagement et la motivation de l’apprenant.

Cependant, la pratique n’a rien de nouveau en soi, car quel que soit son support, l’usage du jeu dans l’enseignement remonte au début de l’histoire de l’humanité, si ce n’est avant. Certains jeux encore populaires aujourd’hui ont également des racines très anciennes, comme l’Awalé, dont l’origine remonte au VI siècle de notre histoire. Le jeu, possède une particularité par rapport aux autres œuvres : il est interactif ! Si un film « existe » même lorsque personne ne le regarde, les jeux n’existent quant à eux que quand des humains les utilisent. Mon intérêt pour les Serious games est lié à mon caractère car j’aime autant lire que faire des délires. Je perçois les jeux sérieux comme une ressource innovante dotée d’un fort potentiel, en phase avec les problématiques actuelles et notamment prendre en compte un nouveau rapport au savoir induit par le numérique, intéresser et motiver les élèves, individualiser les apprentissages.

Jeu de sensibilisation aux menaces du séisme
Stop Disaster: un jeu sérieux pour sensibiliser sur les séismes

D’après moi, les serious games sont une ressource, un outil parmi d’autres à la disposition de l’enseignant qui veut diversifier sa pédagogie – qui le doit même et de plus en plus s’il veut intéresser ses élèves. C’est une ressource qui a des spécificités particulières : simulation, interactivité, immersion, feedback et statut de l’erreur notamment. En effet, à travers le jeu, l’erreur n’est plus un facteur anxiogène pour les élèves ou apprenants.  Les choix se font à travers un personnage ou avatar, dans certains jeux les parties peuvent être rejouées, des bonus sont attribués… Le débriefing de fin de partie se déroule paisiblement et les élèves n’hésitent pas à présenter leur action et leurs difficultés dans le jeu. Cela la positionne comme ayant un vrai potentiel pour répondre aux problématiques actuelles, à condition bien sûr que le jeu soit compatible à des usages adaptés à une organisation scolaire contraignante (heure de cours, disciplines séparées).

Cela répond à une prise de conscience des enseignants qui ont envie de sortir du cadre encore très répandu du cours magistral qui, lorsqu’il est systématique, ennuie les élèves d’aujourd’hui et aussi certainement pas mal d’enseignants ! Ce dernier devient “accompagnateur” car les élèves n’hésitent pas à interpeller le professeur pour avoir un avis, de l’aide pour la progression dans le jeu… et interviennent pour s’aider mutuellement. C’’est l’enseignant qui fait le lien entre l’expérience de l’élève dans le jeu et les savoirs enseignés. Mais encore faut-il qu’il y ait des points de contact entre le jeu et les savoirs enseignés… C’est une vraie problématique : si des jeux présentent ces points de contact de manière assez évidente, d’autres, qui n’ont pas été conçus spécifiquement en rapport avec les programmes ni même pour des usages dans l’éducation, permettent néanmoins des usages tout à fait pertinents.

 

Utiliser les jeux sérieux c’est mettre l’accent sur le plaisir d’apprendre dans le cadre d’une pratique qui diversifie les approches, pour un plaisir renouvelé d’enseigner… Il existe une différence entre les serious games et les serious gaming. Les premiers désignent des jeux créer essentiellement dans une visée éducative. Le plus souvent il s’agit des organismes et entreprises spécialisées dans la formation qui développent ces jeux. Le serious gaming par contre consiste à détourner les usages d’un jeu essentiellement ludique pour lui rattacher une visée éducative. Ici on prend un jeu destiné au divertissement pour l’utiliser dans un cadre pédagogique. C’est l’option choisie par la plupart des institutions francophones car la création d’un serious game numérique nécessite en moyenne 150 000 Euros et rares sont les ministères de l’éducation qui autorisent ce genre de dépense.

De nombreuses activités pédagogiques peuvent être réalisées avec des Serious Games, de la maternelle à l’université. En Europe, certains enseignants par exemple, emploient le jeu Sim City pour illustrer des cours en Geographie sur l’aménagement urbain. Grégoire Panier, enseignant de collège à l’Académie de Reims se sert du jeu Stop Disaster pour expliquer de manière ludique la prévention et la préparation des populations face aux séismes. Fanny Hervé, Professeur d’économie et de gestion, pour illustrer les principes du commerce équitable, a intégré le jeu « Dans la peau d’un producteur de café ».  Avec l’insuffisance des jeux sérieux africains, j’ai pris l’initiave d’en créer un: Eloquentia Cards. Un jeu sérieu papier-ciseau qui permet d’initier les jeunes à la pratique de l’art oratoire et du débat structuré à travers des cartes dont le choix aléatoire permet l’attribution de roles spécifiques aux différents participants. Je vous le présenterai dans un prochain billet, de même que l’état  des pratiques pédagogiques en rapport avec le Serious Game sur le continent.

 

A Bientôt !