C’est de manière impromptue que je me jette sur mon clavier pour rédiger ces (quelques)  lignes sur la musique camerounaise. En effet, je prenais mon repas après avoir passé une assez ennuyante journée, lorsque ma tante (maman) lança le Best Of Cameroon Music (Retro Ancien Makossa) sur sa smart TV. Sous mes yeux défilent les pionniers du Makossa du Mboa : Nkotti François, Ndedi Dibango, Tom Yom’s, Ekambi Brillant, Emile Kangue, Nadia Ewandè, Marco Mbella, San Fan Thomas… et Sergeo Polo.

Voir ces artistes dansés avec zèle, ferveur, le corps vibrant au rythme de la mélodie,

Voir ces danseuses réaliser ces chorégraphies synchronisées,

         Voir ces choristes accompagnant le chant de leur voix suave, revêtant toutes le même style vestimentaire : c’était l’époque de la coiffure « banane », Afro, « Chignon », les matôbôLes hommes revêtaient des ensembles « complet-complet » jeans , ou pour les plus fortunés, des costards dans lesquels ils baignaient harmonieusement. Les pantalons étaient suspendus très haut au niveau de l’abdomen et une belle ceinture mettait en évidence «l’enfilage » d’une chemise ou d’un T-Shirt de couleur frappante. Les salopettes jeans trônaient fièrement au sommet de leur gloire.

Dans ces clips, les danseuses sont très décentes et « catholiques », contrairement à ce que l’on voit aujourd’hui sur nos écrans où…

           Les messages véhiculés en langue bassa ou Douala ont davantage une visée éducative que ludique. Les atalakus, ces paroles dithyrambiques qu’ils insèrent ingénieusement pour des élites politiques ou des opérateurs économiques, ne manquaient évidemment pas : l’artiste doit bien vivre de son art dans un pays où le droit d’auteur était (est) malade voire moribond. On est loin des paroles obscènes que nous retrouvons dans la chanson contemporaine camerounaise. Je ne voudrais point incriminer les artistes musiciens qui sont bien obligés parfois de suivre l’évolution des mœurs et des préférences sociales. Cela trahit en fait la décrépitude croissante du système de valeurs morales et éthiques et partant celui du système éducatif.

Dans ces clips, le décor y est presque toujours le même :  ambiance feutrée dans un « night club » chic ; dans un salon luxurieux ou tout simplement des scènes prises dans la rue. Les plus fortunés réalisaient des scènes à Paris.

     J’étais sur le point de clôturer ce petit billet quand le clip de Kotto Bass a enchaîné : Edith. Ma tante a immédiatement dit : « cet artiste pour moi était titulaire d’une Licence en Makossa ». Chez moi, des réminiscences émergèrent sur les différentes heures que nous passions, à la veille des bals et soirées culturelles de l’université, pour essayer de reproduire ses talentueux pas de danse dont lui seul détenait le secret. Je ne saurais oublier Douleur, un autre magicien du Makossa camerounais, dont le clip « Oh Shémoh » a longtemps marqué les jeunes de ma génération. San Fan Thomas, ça vous dit quelque chose ???

            J’aurais aimé continué à vous décrire la jouissance phonique qui flattait mon ouïe. Je ne pouvais me retenir de réaliser des jeux de tête ou d’accompagner les refrains. Mon regard et mon corps étaient comme prisonniers de l’écran. Je redécouvrais avec plaisir ces artistes qui avaient longtemps bercé notre enfance et dont nous avons longtemps singé les chorégraphies. Toutefois ce plaisir, cette joie, cette fierté s’amenuisent lorsque je regarde le paysage musical contemporain au Cameroun : les contenus musicaux, pour la plupart, sont vides (de pures coquilles vides) et pervertissent davantage la jeunesse, la filière n’est pas toujours professionnalisée (tout le monde est musicien quand ça l’enchante), la gestion des droits d’auteur est calamiteuse (la plupart des musiciens ne vivent pas de leur métier)… Et ce qui m’énervent le plus, c’est la très faible valorisation de notre riche patrimoine artistique et musical qui fait notre fierté à l’échelle internationale : presqu’aucun lieu de mémoire pour les pionniers décédés, la méconnaissance institutionnelle des vrais artistes contemporains (Kareyce Fotso, Charlotte Dipanda, Manu Dibango…), la faible visibilité des festivals de musique nationaux (Festi-Bikutsi, Sea and Sea Musique Festival de Kribi…)…

Je ne voudrais point m’attarder sur ces obstacles à l’émergence de la musique camerounaise car je vous ai signalé en amont que je serai bref. Je vous laisse donc savourer ces mélodies, rythmes, chants et sons qui suscitèrent tant d’émoi en moi :

Guy Lobè : Dieudonné : Je m’appelle Dieudonné et je t’ai tout donné : l’amour, la gentillesse..mais ça n’a pas suffi… J’ai tout donné et Je suis resté comme ça, comme ça, comme ça !!!

Petit Pays : Haoussa.  A l’intro : Pourquoi papa a tapé maman eh eh !… Djamna eh Djamna eh Djamlamdouna…

Bonne dégustation et surtout JOYEUSE FÊTE DE LA MUSIQUE !!!